jeudi 21 avril 2011

Carnets Intimes

Roux, breton, scorpion, prématuré, fada ...La totale.



Le temps de la virginité. Ces photos, sauvées in extremis de multiples déménagements, de Bordeaux à Oxford en passant par Paris, n'avaient jamais été développées.  Elles ne le furent que tout dernièrement, il y a une semaine : le choc !  Avec le recul, ces clichés des années 1984-85, prises au bord de  l'océan, dans le secteur de Moëlan-sur-mer,  parmi les gravats d'une usine désaffectée, m'apparaissent d'une étrangeté extrême.
Comment peut-on avoir été si jeune, si roux, si chevelu, si innocent ? Par le truchement de ces photographies, le mystère   de l'incarnation  se révèle :   en rappelant la  splendeur passée, l'âge d'or, elle  met en face de  notre finitude, de notre devenir, de notre mort. Elles nous permettent de lire dans notre corps présent, l'usure, l'épreuve, la fatigue, la désillusion, face à un monde écoeurant qui tue ses enfants dans l'oeuf, et dont  le seul vecteur des sphères qui le dirigent semble être, au cours de luttes fraticides,  le goût du sang et du pouvoir.
Pourquoi livrer ces photographies précieuses et intimes, pourquoi les jeter en pâture,  à des personnes qui me sont inconnues, à certaines que j'ai peut-être croisées, ou encore à ces quelques personnes qui me haïssent, libre à eux, et me suivent à la trace ? Je ne sais pas. Un jeu, sûrement,  à la Orfeo Negro, entre  carnaval de la vie et  théâtre de la mort. Le tout jeune homme que vous voyez-là aurait dû, si l'on avait suivi une certaine logique du monde actuel, car né très avant-terme, être abandonné sur une plaque de marbre, et y mourir. Ne dirait-on pas qu'une lumière le protége  ? Et pourtant, hélas, ce ne fut pas le cas. Quelques mois plus tard, il connaitra  l'émergence en lui du mal absolu. De quel ordre fut ce mal ?  Ici n'est pas le lieu de confier des choses pareilles.
Pourtant, ce jeune homme, pétri d'erreurs, pourri de péchés,  est et restera l'ange intérieur qui brille en Dieu de toute éternité, et ce, quelles que soient la rage, la colère et pourquoi pas la folie qui, ici-bas, l'animent et l'habitent. Que Dieu le bénisse, ainsi que ses frères et soeurs de bonne volonté, et, aussi coloré qu'un perroquet, vêtu de pauvres sandalettes de cuir aux pieds,  qu'il aide quelques  consciences, qui le visualisent sur cet écran, à s'élever d'une ou deux marches, et à s'éveiller à d'autres plans. D'ici quelques années, l'Ankou frappera. Nous passerons le Styx, nos générations  franchiront, au fur et à mesure, les rideaux  du miroir, et nous verrons  alors qui de vous, les athées,  ou qui de nous, les croyants, avaient raison ! Il en existe certains que cet ange roux attend déjà, un pied dans la tombe,  et l'autre, spirituel,   ferme et ancré sur le sol du Seuil suprême :  celles et ceux qu'il aura  réellement aimés et qui, à tort ou à raison, l'auront rejeté, banni, honni, méprisé. Rejets auxquels, il aura largement et sciemment contribué : hormis la relation  partagée, quel est l'intérêt des semi-amours, des semi-amitiés, des bande-mous de l´affect ?  Malgré tout ce tintamarre de basse-cour des petits sentiments humains,  il leur ouvrira les bras, et leur sussurera, qui sait, des choses tendres.


"Usine...Le Gall ..."Courtesy of  Y. Gouiffes.

Puissance de la magie androgyne, et exhibitionnisme solitaire. Dans les civilisations enracinées, les êtres singuliers avaient des fonctions chamaniques. Qu'en est-il aujourd'hui ? C'est une catastrophe spirituelle ! Au pire, ils sont broyés par la société consumériste, au mieux, ils sont aspirés par elle. Une forme d'avortement sur le tard, quoi ... Les braves gens, dont je ne suis pas, n´aiment  jamais qu´on suive une autre route qu´eux.

1 commentaire:

  1. Singulier, c'est le mot. Ces photos et ce texte sont d'une singulière beauté... Et sinon, t'as besoin d'aide pour retirer la peinture ?

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